Que ce soit au cou des hommes d’affaires, des serveurs, des mariés, des hipsters ou encore des demoiselles, le noeud papillon est aujourd’hui un accessoire à part entière, stylé, et bien distinct de la cravate ;
à moins que vous ne viviez reclus dans une hutte faîte de branches et de fougères au fin fond d’une forêt, je ne vous apprends rien. Mais vous ne savez en revanche peut-être pas que son histoire n’est pas simple, et que le nœud pap’ tel qu’on le connaît de nos jours pourrait bien avoir de multiples origines: « certains disent que», « d’autres pensent que »… une chose est sûre, son histoire est intimement liée à celle de la cravate.
Pour vous éclairer, on vous a préparé un « petit » résumé de la vie du nœud papillon à travers le temps.
Le challenge après cette lecture, c’est d’essayer de caser une des infos en soirée 😉
La cravate croate
Nous commencerons donc notre histoire du noeud papillon par la naissance de la cravate (oui oui vous avez bien lu, la cravate), vers le milieu du XVIIème siècle. Durant la Guerre de 30 ans (1618-1648 pour ceux qui auraient oublié), les cavaliers Croates portaient, en fonction de leur grade, des foulards de couleurs différentes. Non insensibles à cette touche d’élégance, les notables français adoptèrent à leur tour des foulards colorés, que l’on appelle alors cravate, par déformation du nom croate de ces cavaliers (« Hvats » en croate).
Il faut attendre la 6ème édition du Dictionnaire de l’Académie française (1832-1835) pour que la cravate soit définie comme un accessoire proprement masculin. La définition est alors « Mousseline, batiste, ou autre étoffe légère que les hommes se mettent ordinairement autour du cou, et qui se noue par devant ». Autant dire que chacun étaient plutôt libre d’interpréter sa propre définition de la « cravate ».
Nœud papillon et cravate : une histoire de nœud(-nœud)
C’est alors que les choses se compliquent. Les historiens se crêpent le chignon et plusieurs origines sont attribuées au nœud papillon :
- Pour certains, le noeud papillon serait en réalité apparu avant la cravate : les cavaliers croates évoquées ci-dessus portaient des chemises à boutonnage ample, et passaient dans leur boutonnière leur foulard pour maintenir leur chemise fermée : malin ! On imagine alors que l’aspect de cette combinaison devait ressembler davantage au noeud papillon qu’à ce que l’on appellera cravate par la suite.
- Pour d’autres, le noeud papillon aurait une double origine, la cravate et le jabot : L’appellation bow tie en anglais (nœud papillon, et littéralement « cravate nouée ») proviendrait soit de la forme symétrique à grandes boucles du nœud de cravate (tel qu’il se faisait auparavant), « bow » en anglais, soit du suffixe du mot français « jabot ».
- D’autres encore attribuent au célèbre dandy anglais de la 1ère moitié du XIXème siècle Beau Brummel la paternité du noeud papillon. Il aurait imaginé une manière très complexe de nouer sa cravate pour en former un noeud bien particulier.
C’est néanmoins en 1904, suite à la représentation de Madame Butterfly de Puccini que le terme « noeud papillon » semble se répandre. Là encore, difficile de trancher, il y aurait deux origines :
- Le chanteur principal portait un nœud court aux boucles amples qui aurait fait sensation
- C’est justement le succès de cet opéra qui aurait amené à rebaptiser la petite cravate noire à deux pans que portaient les hommes pour se rendre à l’opéra…
Bref, le chat qui se mord la queue.
Il faudra donc patienter jusqu’en 1924 (c’est long !) pour que la scission avec la famille cravate soit irréfutable. Cette année-là (cette année-là ♫), Jesse Langdorf, cravatier new-yorkais, imagine une découpe en diagonale et une finition en trois parties pour en améliorer la tenue : TADAAAM ! La cravate moderne est née.

« Tout est fini entre nous »
C’est donc au début du XXème siècle que cravate et nœud papillon ont véritablement pris une forme matérielle et un usage distinct.
Malgré des ambassadeurs aussi influents que Franklin D. Roosevelt et Winston Churchill (à gauche ci-dessous) le nœud papillon se fait distancer par la cravate, considérée comme l’accessoire formel universel du cadre en entreprise. Probablement en cause : le fait que le nœud papillon soit rapidement associé à certaines professions, notamment les professionnels de la restauration, les médecins ou les architectes. Contrairement à la cravate, le nœud papillon ne trempe pas dans les assiettes, ne pend pas sur les patients contagieux et ne traîne pas sur la table à dessin (c’est quand même pratique).


Il conserve cependant sa suprématie sur la cravate dans les grandes occasions, souvent liées au monde du spectacle, en sa qualité d’indissociable partenaire du smoking. De ce fait, il fut parfois considéré par certains comme un symbole d’un type d’élégance coincée, endimanchée. Mais c’est la tenue de prédilection de James Bond, et ça, c’est la classe. A droite ci-dessus Sean Connery en agent 007.

Quand le papillon touche le fond
Le nœud papillon, quand il est porté en dehors du smoking, devient peu à peu synonyme dans l’opinion publique d’excentricité. En effet, il est beaucoup moins conventionnel qu’une cravate. Ce sentiment se renforce d’autant plus au milieu du XXème siècle quand des individus à caractère comique, notamment Hardy de Laurel & Hardy, se mettent à en porter régulièrement.
Dans les années 80-90, des personnages tels que Steve Urkel (ci-contre) dans la série américaine Family Matters contribuent à associer le nœud papillon aux « geeks », ces loosers intellos lunetteux au look plus que douteux.
C’est le coup de grâce, le nœud papillon touche alors le fond.
Le phoenix renaît de ses cendres
C’est bien connu, la mode est un éternel recommencement. C’est au milieu des années 2000, avec le travail de créateurs comme le français Alexis Mabille, que le nœud papillon redevient un accessoire de mode populaire et porté de manière moins formelle.
Le noeud papillon réapparaît progressivement dans les collections, chez Dolce & Gabbana, Sonia Rykiel et surtout Lanvin, dont le directeur artistique Alber Elbaz en a fait son signe distinctif. On le retrouve même auprès de la gente féminine, notamment au cou de la belle Diane Kruger.
Il est par la suite associé au style « preppy », ce look à mi-chemin entre le chic et le sportwear, et revient en force chez les grandes marques de prêt à porter comme Ralph Lauren ou Hackett. Stromae est un adepte de ce look preppy, en version colorée et avec, bien-sûr, un nœud pap.
Le noeud papillon est aussi devenu l’accessoire incontournable de tout bon hipster/dandy qui se respecte.
En parallèle, l’engouement pour la cravate s’essouffle avec l’influence de la culture américaine et de la mode du « Friday wear », mais aussi avec le développement de l’économie du numérique: désormais les chefs d’entreprises influents évoluent plutôt en jeans-baskets qu’en costume trois pièces (et c’est tant mieux!).

Le noeud papillon renaît véritablement de ses cendres : il se décline désormais dans des formes, couleurs et matières tendances et fait le bonheur des hommes (et des femmes !) qui assument et revendiquent sa touche à la fois chic et un brin excentrique.
Palpitante, cette histoire non? Tous en noeud pap’!
Kiss kiss love